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Journée du 27 mars 2014

HOMME, FEMME...
La différence fait-elle débat?

À distance des manifestations récentes, plus de 50 Avrelcais se sont retrouvés pour une journée de réflexion autour du Père Jean-Marie BOUNOLLEAU afin de comprendre cette notion de GENRE (le "GENDER" des Américains) qui alimente les colonnes de nos médias et les meetings de nos partis politiques...


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Interpellés par les médias, inquiets sur l'avenir de notre société, de notre humanité, nous sommes arrivés avec nos questions et repartis avec autant d'autres...
En voici quelques-unes partagées entre participants :
    * La « Théorie du genre » touche toutes les facettes de la société. Ce n'est pas une question de mode ; c'est une idéologie qui veut détruire le ciment de la société.
    * Se couper de son passé signifie se couper de ses racines personnelles, oublier sa généalogie et refuser l'histoire commune à toute humanité.
    * Nous naissons avec nos différences physiques mais nous sommes complémentaires...
    * Pourquoi vouloir tout gommer, effacer, sous prétexte qu'il faut créer l'égalité dans tous les domaines ?
    * Pourquoi rejeter la culture judéo-chrétienne et remettre en cause des phrases-clé de la Bible : «Dieu créa l'homme à son image, mâle et femelle il les créa. » Il les bénit et leur dit : «Soyez féconds et prolifiques... »
    * N'avons-nous pas notre mot à dire sur l'existence et l'importance de la cellule famille ? Soyons vigilants pour l'avenir.
    * Ne peut-on-vivre ensemble en respectant les différences, les orientations et les aspirations de chacun ?

M-A VINCENDEAU

Jean-Marie BOUNOLLEAU indique que derrière l'alternative « Naître homme ou femme ou le devenir ? » se cache une autre alternative : « Naître homme ou femme ? » Sujet complexe ! Qu'est-ce qu'un homme ? Qu'est-ce qu'une femme ?
L'air du temps complexifie cette question mais permet de comprendre pourquoi le débat prend une telle acuité. C'est la personne sous ses multiples facettes qui est questionnée. L'importance de l'épanouissement de la personne, la multiplicité des formes d'union, la place de l'homosexualité dans les sociétés, la parité homme-femme, la condition des femmes, les ruptures des modèles traditionnels...
Les théories du « Gender » (sens américain différent du français) ne sont pas nouvelles : dès 1955, en Amérique et ailleurs...
Ces théories font entrer dans la critique des inégalités de la société, dans la complexité de la sexualité humaine et dans le relativisme des normes et règles de vie.
Des questions certes, mais engagent-elles ou faussent-elles la réflexion existentielle sur la personne humaine, son identité et sa finalité ?
Nous faisons le parcours biblique de la Genèse, partant de l'acte premier de la Création. Une création par séparations successives...
Il n'est pas inutile de faire aussi le parcours de notre expérience d'homme ou de femme venant au monde, de remonter aux origines : le corps de notre mère, l'étreinte des corps qui a précédé, le don, l'amour souvent... Une expérience humaine qui ramène à l'acte premier créateur et au commandement qui a suivi : « Tu honoreras ton père et ta mère. »
La démarche biblique de référence, pour les chrétiens, prend en considération l'humain, l'homme et la femme, en faisant de chacun un être à l'image et à la ressemblance de Dieu : Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance. ( ... ) Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, mâle et femelle il les créa. Dieu les bénit et Dieu leur dit : « soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-là. » Genèse 1, 26-27

Une vocation féconde et créatrice en humanité.

Pour sa réflexion, chacun peut aller puiser à des sources diverses.
Nous avons lu avec intérêt un livre simple qui reprend un débat entre Eric FASSIN, sociologue et professeur agrégé à l'École Normale Supérieure, et Véronique MARGRON, dominicaine et professeur de théologie morale à l'Université Catholique de l'Ouest d'Angers.
Deux points de vue, convaincus mais sans esprit polémique ou partisan : « Homme, femme, quelle différence ? »

RECONNAÎTRE LE DÉJÀ-LÀ
par Véronique MARGRON

« Il y a vraiment un continuum entre l'histoire biblique et la confession chrétienne. La confession chrétienne est du côté de l'interprétation des Écritures, et les Écritures sont plurielles. L'Église, confessant le Christ, ne va cesser de lire et d'interpréter les Écritures. D'aucuns pourraient d'ailleurs faire des affrontements de verset à verset. Mais cela n'aurait aucun sens pour la tradition chrétienne puisqu'un verset ne se comprend que dans son texte et son contexte (…)

Il s'agit non seulement de notre aventure mais celle de Dieu avec nous.

Le sens de ces récits n'est pas de raconter les commencements de l'histoire. Mais d'être en quelque sorte les témoins de nos commencements en nous. Origine non chronologique du monde, mais de ce qui est au plus profond de chacun et de tous.

L'interprétation chrétienne, autant que juive ici, de ces textes de la Bible est qu'il y a du "donné". En arrivant dans le monde, je ne construis pas tout moi-même, il y a de la précédence, ce que j'appelle de la filiation. Ce n'est pas moi-seule qui invente le monde.

Ce n'est pas moi non plus qui me nomme homme ou femme, avec toutes les difficultés, la souffrance, que peut apporter cette appropriation à certains. »

Du côté du "déjà-là" par rapport à la question homme-femme, il y a en effet - spécialement dans la tradition catholique - "un roc biologique" ... Il ne s'agit pas de dire que rien ne change et que tout ne ferait que recommencer, à l'identique, de génération en génération. Les écrits témoignent d'une relation entre le déjà-là et du construit, d'une intrication ... Le corps sexué de quelqu'un est de part en part intriqué entre ce qu'il trouve de lui en venant au monde et ce qu'il devient en ce même monde...

La reconnaissance du "déjà-là", à commencer par la double différence des sexes et des générations, doit se mettre au service de l'interdit de la mainmise, de la maîtrise, de l'illusion que l'autre m'appartient ou est mon double. Mais cette reconnaissance n'est pas suffisante pour honorer l'altérité. Cette dernière ne peut se passer de la prise en compte des conditions personnelles, culturelles, historiques. Elle ne se réalise pas une fois pour toutes. »

HIÉRARCHISER LE MONDE
par Éric FASSIN

« La question que vous posez, et qui renvoie à une inquiétude aujourd'hui très forte, est au fond la suivante : le fait d'interroger les rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes ne revient-il pas à remettre en cause l'hétérosexualité elle-même ? Pour moi, il importe de distinguer : ce qui est en cause, c'est l'hétérosexualité en tant que norme. Si l'on continuait à s'inquiéter, cela voudrait dire qu'on est tenté de croire que les gens ne seraient pas hétérosexuels si la norme ne les y encourageait pas. Pour ma part, je ne pense pas que l'hétérosexualité soit naturelle ; mais je ne pense pas non plus qu'elle soit contraire à la nature. La question que je me pose donc : Pourquoi avons-nous besoin d'étayer l'hétérosexualité, en l'instituant comme norme ? (...)

Voir ces normes, c'est ne plus s'accommoder des inégalités qu'elles valident ; interroger la différence des sexes pour autant qu'elles hiérarchisent le monde... »